La loi du plus fort
Accès aux médicaments
Une bactérie Escherichia Coli entourée d'érythrocytes. Certaines souches envahissent le corps et causent une infection, par exemple dans le système sanguin. Certaines bactéries Gram-positives présentent une résistance aux antibiotiques. Crédit: dpa photo alliance
La loi du plus fort
Nombre d’antibiotiques courants ne sont plus efficaces contre certaines bactéries résistantes. Ce problème urgent, surtout dans les hôpitaux et les cliniques, mute rapidement en crise mondiale. Identifier les facteurs qui contribuent à développer cette résistance peut nous aider à gagner cette bataille.
Dix millions de personnes sont en danger. D’ici 2050, des infections pourraient tuer toutes ces personnes - chaque année - si la résistance aux antimicrobiens continue de s’étendre. Le combat silencieux entre les bactéries et les médicaments modernes est partout. Certains microbes ont développé une résistance à des médicaments auparavant efficaces. Ils sont devenus plus forts que les tentatives de l’humanité à les détruire. Près de 2000 personnes meurent chaque jour d’infections microbiennes pharmacorésistantes. Margaret Chan, Directeur général de l’OMS, redoute une « ère post-antibiotiques au cours de laquelle les infections courantes seront à nouveau meurtrières. »1
Depuis près d'un siècle, les hommes pensaient qu’ils gagnaient la guerre. Dans la lutte contre les bactéries responsables de maladies, Alexandre Fleming fait figure de héros. Il a observé en 1928 que les moisissures de champignons pouvaient tuer les bactéries.2 Jusqu’en 1941, les composés du champignon donnant la pénicilline étaient utilisés pour traiter les infections bactériennes.3 Grâce aux antibiotiques, les médecins pouvaient également traiter des infections bactériennes autrefois mortelles.4 Mais la victoire fut de courte durée. En quelques années, les premiers cas de résistance à la pénicilline - par le staphylocoque doré – sont apparus. Les chercheurs ont alors développé une nouvelle arme antibiotique, la méticilline – de la pénicilline modifiée chimiquement.5 Mais les bactéries ont aussi rapidement développé une résistance à celle-ci. Michael Borek, Therapeutic Area Head Medical Office chez Sandoz, n’est pas surpris par la résistance des bactéries : « Plus on utilise d'antibiotiques, plus la résistance augmente », dit-il.
Microbes contre Médicaments
Comment la résistance peut-elle se développer autant ? Michael Borek suggère que la réponse réside dans le mécanisme évolutif sous-jacent : « Lorsque l’introduction d'un antibiotique dans une population crée une pression sélective, les souches qui y sont résistantes sont privilégiées. » Des personnes prennent de la pénicilline par exemple, mais les bactéries présentes dans l’organisme ne sont pas toutes tuées. Certains microbes s’adaptent et la génération suivante survit aux attaques ultérieures du même médicament.6 Le patient, ou un professionnel de santé, pourrait sans le savoir transmettre la bactérie résistante à d'autres personnes.
Les bactéries ne sont pas les seules à s’adapter aux médicaments. D'autres micro-organismes, notamment certains virus et parasites, développent eux aussi une résistance aux traitements antibactériens, antifongiques, antiparasitaires et antiviraux. Ensemble, ces médicaments sont appelés antimicrobiens, conduisant à la problématique générale de la résistance aux antimicrobiens.
Une bactérie principale, le staphylocoque doré résistant à la méticilline, est célèbre pour sa capacité à résister aux médicaments antibactériens – et à causer des infections chez les patients hospitalisés. Ces infections nécessitent des séjours plus longs dans les hôpitaux, et entraînent plus de décès que d'autres types d’infections, car elles sont très difficiles à traiter.6 Malheureusement, l'armée d'agents pathogènes a également recruté de nouvelles troupes qui s'avèrent particulièrement dangereuses dans les hôpitaux.
La situation est véritablement alarmante
Michael Borek explique qu’il existe deux groupes de bactéries identifiables grâce à une méthode chimique. Lorsqu’il est possible de colorer les bactéries avec un certain colorant, elles sont dites à Gram positif. Les autres sont à Gram négatif. Durant les 75 dernières années, les médicaments luttaient essentiellement contre les bactéries à Gram positif comme le staphylocoque doré. Toutefois, les bactéries à Gram négatif, y compris certaines espèces d’entérobactéries et le Pseudomonas aeruginosa, provoquent des infections graves et montrent une résistance croissante.7
Aujourd’hui, les bactéries à Gram négatif sont de plus en plus souvent responsables d’infections nosocomiales.8 Notamment dans les unités de soins intensifs, la densité de tels microbes est élevée et les infections qui en résultent sont très difficiles à traiter. En 2014, l’OMS a constaté des niveaux élevés de résistance dans le monde pour sept agents pathogènes courants – dont cinq sont à Gram négatif.9 Comme le dit Michael Borek, « la situation est véritablement alarmante. »
Se défendre
Mais les microbes n’ont pas encore gagné. « Il est important de diffuser les connaissances et de sensibiliser le public pour ralentir la progression de cette résistance aux antimicrobiens », explique Michael Borek. L'éducation et la bonne gestion des antimicrobiens – prescrire avec soin les antimicrobiens et établir des procédures pour réduire les infections – peuvent aider. Michael Borek ajoute qu’il y a bien plus que cela à faire. « Nous voulons proposer au public des médicaments antimicrobiens sûrs et efficaces. Chez Sandoz, nous disposons d’une large gamme qui permet aux médecins d'utiliser de nombreux antibiotiques pour traiter les infections bactériennes. »
Par un diagnostic rapide, les médecins pourraient réduire l’utilisation d'antibiotiques à large spectre, souvent prescrits en traitement de première intention contre les agents pathogènes les plus probables. Mais cela constitue une forte pression sélective sur différentes espèces de bactéries. Un traitement hautement spécifique, d'autre part, minimise la quantité de microbes touchés et freine le développement de leur résistance, selon Michael Borek. « Le traitement spécifique d’une espèce ciblant la bactérie responsable d'une infection serait révolutionnaire. Pour y parvenir, il faudrait identifier les microbes immédiatement. » De cette façon, les médecins n'auraient pas à attendre les résultats d’une analyse de laboratoire, qui nécessite souvent un ou plusieurs jours. Ils pourraient commencer un traitement ciblé immédiatement.

Les bactéries envahissent le corps humain : une souche de staphylocoque doré (jaune) à côté d’un globule blanc (en bleu) vue au microscope électronique. Il est de plus en plus difficile de vaincre ces bactéries à l’aide d'antibiotiques. Crédits : mauritius images / BSIP / NIAID
Recherche de solutions alternatives
Bien que les taux de résistance aient ralenti, leur évolution ne s'arrête jamais. Tôt ou tard, les patients auront besoin de nouveaux médicaments. Le plan de bataille a été long à se mettre en place. Entre 2002 et 2012 par exemple, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a approuvé sept nouveaux antibiotiques seulement, dont quatre ont montré des effets indésirables ou ont ensuite été retirés du marché.10 Des améliorations sont en cours. Depuis 2013, six nouveaux antibiotiques ont été mis sur le marché, encouragés peut-être par une initiative de l’InfectiousDiseases Society of America (IDSA) qui incite à la création de 10 antibiotiques administrés par voie générale d'ici 2020.11 « Les antibiotiques sont des médicaments vitaux qui ne sont pris que quelques fois dans la vie des patients pendant deux semaines. À l’inverse, le développement demande du temps, de l’argent et il est associé à des contraintes réglementaires », précise Michael Borek. Et le développement de nouveaux antibiotiques constitue également un risque financier qui conduit certains laboratoires pharmaceutiques à abandonner ce secteur.
De nouvelles formulations d'antibiotiques existants pourraient représenter la prochaine ligne de défense.12 Ces médicaments sont mieux ciblés, ce qui rend le traitement plus efficace, réduit les effets secondaires et augmente les chances que le patient termine son traitement. Selon l’expert en antibiotiques Michael Borek, de nouvelles substances actives jouent un rôle essentiel. « Nous collaborons étroitement avec Novartis. Et la tendance du développement de substances antibactériennes est à la hausse. Novartis en a quelques-unes dans son pipeline général, dont certaines en sont au stade des essais cliniques de phase II et III. »

Michael Borek, Therapeutic Area Head Medical Office, Sandoz, s'attèle au problème croissant de la résistance aux antibiotiques. Il oeuvre avec ses collègues à fournir au public des médicaments antibactériens sûrs et abordables. Il faut de nouvelles substances actives, mais il faut aussi savoir comment utiliser à bon escient ces médicaments vitaux. Crédits : privés
De nouvelles stratégies
Les chercheurs continuent à chercher de nouvelles méthodes de traitement. Utiliser des anticorps qui ciblent spécifiquement un agent pathogène est un nouveau moyen de lutter contre les bactéries résistantes.13 Les complexes protéiques entraînent par exemple l’inactivation de la bactérie ou de ses toxines. Les autres options de traitement concernent les probiotiques et les vaccins. L'innovation pourrait produire l'arme secrète du traitement antibactérien de demain, et les chercheurs du monde entier prennent part au combat. L’expert en antibiotiques Michael Borek envisage de très nombreuses idées et approches nouvelles. Par conséquence, il reste optimiste : « Je ne m’attends pas à une apocalypse post-antibiotiques dans les années qui viennent. »
1. World Health Organization. Address to the Sixty-ninth World Health Assembly [Enligne] (Page consultée le 30/03/2017)
2. Nobelprize.org. Sir Alexander Flemin – Biographical. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
3. Global HealthDynamic.[En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
4. NCBI. Waves of Resistance: Staphylococcus aureus in the AntibioticEra/[En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
5. NCBI. Biocidaleffects of stem barkextract of Chrysophyllumalbidium G. Don on vancomycin-resistantStaphylococcus aureus [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
6. NCBI.Appropriate antimicrobial therapy in the era of multidrug-resistant human pathogens. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
7. CHEST® Journal.Antimicrobial Resistance in Hospital-Acquired Gram-Negative Bacterial Infections. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
8. World Health Organization. Antimicrobial resistance. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
9. World Health Organization. Antimicrobial resistantce. Global report on Surveillance. 2014. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
10. NCBI. The FDA Reboot of AntibioticDevelopment [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
11. CID. New Drugs for Gram-Negative Bacili. CID 201 56 (15 June). Page 1685. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
12. Sandoz. Annual 2016. Joining Forces to Fight Antimicrobial Resistance. [En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)
13. NCBI. Alternatives to antibiotics-a pipeline portfolio review.[En ligne] (Page consultée le 30/03/2017)